10.4 Somme directe
Si \(U\) et \(W\) sont des sous-espaces d’un espace vectoriel \(V\), alors on écrit \(V = U \oplus W\) si et seulement si pour tout \(\mathbf{x} \in V\), il existe deux vecteurs uniques \(\mathbf{y} \in U\) et \(\mathbf{z} \in W\) tels que \(\mathbf{x} = \mathbf{y} + \mathbf{z}\), On dit que \(V\) est une somme directe de \(U\) et \(W.\)
Lemme 10.1 Soit \(V\) un espace vectoriel de dimension finie muni d’un produit scalaire. Soient \(U\) et \(W\) des sous-espaces de \(V\) tels que \(V = U \oplus W\). Si \(\mathbf{u}^{(1)},\ldots,\mathbf{u}^{(k)}\) sont linéairement indépendants dans \(U\) et si \(\mathbf{w}^{(1)},\ldots,\mathbf{w}^{(m)}\) sont linéairement indépendants dans \(W\), alors \(\mathbf{u}^{(1)},\ldots,\mathbf{u}^{(k)}, \mathbf{w}^{(1)},\ldots,\mathbf{w}^{(m)}\) sont linéairement indépendants dans \(V\).
Démonstration. Par contradiction, supposons que \(\mathbf{u}^{(1)},\ldots,\mathbf{u}^{(k)}, \mathbf{w}^{(1)},\ldots,\mathbf{w}^{(m)}\) ne soient pas linéairement indépendants dans \(V\). Alors, on peut trouver des scalaraires \(\lambda_1,\ldots,\lambda_k, \gamma_1,\ldots, \gamma_m\) non tous nuls tels que \[\sum_{i=1}^k \lambda_i \mathbf{u}^{(i)}+ \sum_{i=1}^m \gamma_i \mathbf{w}^{(i)} = \mathbf{0}.\] Sans perte de généralité, on peut supposer que ce ne sont pas les scalaires \(\lambda_1,\ldots,\lambda_k\) qui sont nuls. Soit \(\mathbf{u} =\sum_{i=1}^k \lambda_i \mathbf{u}^{(i)}\). Puisque \(\{\mathbf{u}^{(1)},\ldots,\mathbf{u}^{(k)}\}\) est linéairement indépendant, \(\mathbf{u} \neq \mathbf{0}\). De plus, \(\mathbf{u} \in U.\)
Mais \(\mathbf{u} = - \displaystyle\sum_{i=1}^m \gamma_i \mathbf{w}^{(i)},\) d’où \(\mathbf{u} \in W\), ce qui implique que \(\mathbf{u} \in U \cap W\). Mais \(U \cap W = \mathbf{0}\) d’après la proposition 10.1, d’où \(\mathbf{u} = \mathbf{0},\) ce qui est une contradiction.
Le résultat suivant suit immédiatement de ce lemme.
Théorème 10.2 Soit \(V\) un espace vectoriel de dimension finie muni d’un produit scalaire. Soient \(U\) et \(W\) deux sous-espaces de \(V\) tel que \(V = U \oplus W\). Alors \[\dim(U) + \dim(W) = \dim(V)\]
Le théorème 10.1 découle alors du théorème 10.2 et du suivant.
Théorème 10.3 Soit \(V\) un espace vectoriel de dimension finit muni d’un produit scalaire. Soit \(W\) un sous-espace de \(V\). Alors \[V = W \oplus W^\perp.\]
Démonstration. Soit \(\left \{ \mathbf{u}^{(1)},\ldots, \mathbf{u}^{(k)} \right\}\) une base de \(W\). D’après le corollaire 6.3, on peut obtenir \(\mathbf{u}^{(k+1)},\ldots, \mathbf{u}^{(n)} \in V\) tels que \(\left \{ \mathbf{u}^{(1)},\ldots, \mathbf{u}^{(k)} \right\}\) est une base de \(V.\)
En appliquant le procédé de Gram-Schmidt à \(\left \{ \mathbf{u}^{(1)},\ldots, \mathbf{u}^{(n)} \right\},\) on obtient une base orthonormée \(\left \{ \mathbf{q}^{(1)},\ldots, \mathbf{q}^{(n)} \right\}\) de \(V\) telle que \(\operatorname{Vect}\left ({ \mathbf{q}^{(1)},\ldots, \mathbf{q}^{(i)} } \right) = \operatorname{Vect}\left ({ \mathbf{u}^{(1)},\ldots, \mathbf{u}^{(i)}} \right)\) pour chaque \(i = 1,\ldots, n\).
Entre autre, \(\left \{ \mathbf{q}^{(1)},\ldots, \mathbf{q}^{(k)} \right\}\) est une base orthonormée de \(W\).
Pour compléter la preuve, il suffit de montrer que \(\left \{ \mathbf{q}^{(k+1)},\ldots, \mathbf{q}^{(n)} \right\}\) est une base de \(W^\perp\).
Par construction, \(\mathbf{q}^{(i)} \in W^\perp\) pour \(i = k+1,\ldots,n\). Il ne reste donc à démontrer que \(\operatorname{Vect}\left ({\mathbf{q}^{(k+1)},\ldots, \mathbf{q}^{(n)}} \right) = W^\perp,\) puisque que \(\left \{ \mathbf{q}^{(k+1)},\ldots, \mathbf{q}^{(n)} \right\}\) est déjà linéairement indépendant.
Soit \(\mathbf{z} \in W^\perp\). Soient \(\lambda_1,\ldots, \lambda_n\) des scalaires tels que \[\mathbf{z} = \sum_{i = 1}^n \lambda_i \mathbf{q}^{(i)}.\] Puisque \(\mathbf{z} \in W^\perp\), on doit avoir \(\langle { \mathbf{z} },{ \mathbf{q}^{(i)} } \rangle = 0\) pour tout \(i = 1,\ldots, k\). Ceci implique que \(\lambda_1,\ldots, \lambda_k = 0\). Ainsi, \(\mathbf{z} \in \operatorname{Vect}\left ({ \left\{\mathbf{q}^{(k+1)},\ldots, \mathbf{q}^{(n)}\right\}} \right)\).
Corollaire 10.1 Soit \(V\) un espace vectoriel de dimension finie muni d’un produit scalaire. Soit \(W\) un sous-espace de \(V\). Alors \[(W^\perp)^\perp = W.\]
Démonstration. Soit \(\mathbf{u} \in W\). Pour tout pour tout \(\mathbf{v} \in W^\perp\), \(\langle { \mathbf{u} },{ \mathbf{v} } \rangle = 0\) et il s’ensuit que \(W \subseteq (W^\perp)^\perp.\) D’après le théorème 10.1, nous avons \[\dim(W) + \dim(W^\perp) = \dim(V)\] et \[\dim(W^\perp) + \dim((W^\perp)^\perp) = \dim(V),\] puisque \(W^\perp\) est un sous-espace de \(V\) (proposition 10.1). Ainsi, \(\dim(W) = \dim( (W^\perp)^\perp )\). Puisque \(W\) est un sous-espace de \((W^\perp)^\perp\) et que \(\dim(W) = \dim((W^\perp)^\perp),\) il s’ensuit que \(W = (W^\perp)^\perp\) d’après le théorème 6.2.
Exercices
Soit \(V\) le sous-espace de \(\mathbb{R}^4\) engendré par \(\begin{bmatrix} 1 \\ 0 \\ -1 \\ 1\end{bmatrix}\) et \(\begin{bmatrix} 2 \\ 1 \\ 0 \\ 3\end{bmatrix}.\) Trouvez des vecteurs \(\mathbf{x}, \mathbf{y} \in \mathbb{R}^4\) tels que \(\mathbb{R}^4 = V \oplus U\), où \(U = \operatorname{Vect}\left ({\{\mathbf{x},\mathbf{y}\}} \right).\)
Démontrez le théorème 10.2 et du suivant.
Solutions
D’après le théorème 10.3, il suffit d’obtenir une base du noyau de \[\begin{bmatrix} 1 & 0 & -1 & 1 \\ 2 & 1 & 0 & 3\end{bmatrix}.\] Notons que la forme échelonnée réduite de cette matrice est \[\begin{bmatrix} 1 & 0 & -1 & 1 \\ 0 & 1 & 2 & 1\end{bmatrix},\] d’où \[\left \{ \begin{bmatrix} 1 \\ -2 \\ 1 \\ 0 \end{bmatrix}, \begin{bmatrix} -1 \\ -1 \\ 0 \\ 1 \end{bmatrix} \right \}\] est une base du noyau.
Soient \(\{\mathbf{u}^{(1)},\ldots,\mathbf{u}^{(k)}\}\) une base de \(U\) et \(\{\mathbf{w}^{(1)},\ldots,\mathbf{w}^{(m)}\}\) une base de \(W.\) D’après le lemme 10.1, \(\{\mathbf{u}^{(1)},\ldots,\mathbf{u}^{(k)}, \mathbf{w}^{(1)},\ldots,\mathbf{w}^{(m)}\}\) est linéairement indépendant. Puisque \(V = U \oplus W,\) pour tout \(\mathbf{x} \in V\), il existe \(\mathbf{y} \in U\) et \(\mathbf{z} \in W\) tels que \(\mathbf{x} = \mathbf{y} + \mathbf{z},\) d’où \(V = \operatorname{Vect}\left ({ \{\mathbf{u}^{(1)},\ldots,\mathbf{u}^{(k)}, \mathbf{w}^{(1)},\ldots,\mathbf{w}^{(m)}\}} \right).\) Ainsi, \(\{\mathbf{u}^{(1)},\ldots,\mathbf{u}^{(k)}, \mathbf{w}^{(1)},\ldots,\mathbf{w}^{(m)}\}\) est une base de \(V,\) ce qui implique que \(\dim(V) = k+m = \dim(U) + \dim(W).\)