6.9 Dimensions de sous-espaces

Dans cette section, nous prouvons le résultat suivant:

Théorème 6.2 Soit \((V,\mathbb{K})\) un espace vectoriel de dimension \(n\). Si \(W\) est un sous-espace de \(V\), alors \(\dim(W) \leq n.\) De plus, l’inégalité est stricte si et seulement si \(W\) est un sous-espace propre.

Avant de montrer le résultat, nous allons établir quelques résultats intermédiaires.

Proposition 6.3 Soit \((V, \mathbb{K})\) un espace vectoriel. Supposons que \(\mathbf{v}^{(1)},\ldots, \mathbf{v}^{(k)}\) soient des vecteurs linéairement indépendants de \(V\). Si \(\mathbf{u} \in V\) et \(\mathbf{u} \notin \operatorname{Vect}\left ({ \left\{\mathbf{v}^{(1)},\ldots, \mathbf{v}^{(k)}\right\}} \right)\), alors \(\left\{\mathbf{u}, \mathbf{v}^{(1)},\ldots, \mathbf{v}^{(k)}\right\}\) est linéairement indépendant.

Démonstration. Supposons par contradiction que \(\left\{\mathbf{u}, \mathbf{v}^{(1)},\ldots, \mathbf{v}^{(k)}\right\}\) ne soit pas un ensemble linéairement indépendant. Alors il existe des scalaires \(\mu, \lambda_1,\ldots, \lambda_k \in \mathbb{K}\), non tous nuls tels que tel que \[\begin{equation} \mu \mathbf{u} + \lambda_1 \mathbf{v}^{(1)} + \cdots + \lambda_m \mathbf{v}^{(k)} = \mathbf{0}_V. \tag{6.1} \end{equation}\] Notons que \(\mu \ne 0\); autrement l’équation \[\lambda_1 \mathbf{v}^{(1)} + \cdots + \lambda_m \mathbf{v}^{(k)} = \mathbf{0}_V\] aurait une solution non triviale, ce qui contredit l’indépendence linéaire de \(\{\mathbf{v}^{(1)},\ldots, \mathbf{v}^{(k)}\}\). On peut ainsi réécrire l’équation (6.1) sous la forme \[\mathbf{u} = \mu^{-1}(-\lambda_1) \mathbf{v}^{(1)} + \cdots + \mu^{-1}(-\lambda_k) \mathbf{v}^{(k)},\] ce qui est impossible puisque \(\mathbf{u} \notin \operatorname{Vect}\left ({ \left\{\mathbf{v}^{(1)},\ldots, \mathbf{v}^{(k)}\right\}} \right)\) par hypothèse.

Corollaire 6.2 Soit \(V\) un espace vectoriel de dimension \(n\). Si \(B \subseteq V\) est un ensemble linéairement indépendant tel que \(\lvert B \rvert = n\), alors \(B\) est une base de \(V\).

Démonstration. Supposons qu’il existe \(\mathbf{u} \in V\) tel que \(\mathbf{u} \notin \operatorname{Vect}\left ({B} \right).\) D’après la proposition 6.3, \(B \cup \{ \mathbf{u} \}\) est un ensemble linéairement indépendant dont la cardinalité est \(n+1\), ce qui est impossible d’après le théorème 6.1.

Corollaire 6.3 Soit \(V\) un espace vectoriel de dimension \(n\). Si \(\mathbf{v}^{(1)},\ldots,\mathbf{v}^{(k)} \in V\) sont linéairement indépendants et \(k < n\), alors il existe des \(\mathbf{v}^{(k+1)},\ldots,\mathbf{v}^{(n)} \in V\) tels que \(\{\mathbf{v}^{(1)},\ldots,\mathbf{v}^{(n)}\}\) est une base de \(V\).

Démonstration. On applique la proposition 6.3 jusqu’à l’obtention d’un ensemble linéairement indépendant de cardinalité \(n\). Selon le corollaire 6.2, l’ensemble obtenu est une base de \(V\).

Nous sommes maintenant prêts à démontrer le résultat principal.

Démonstration. (Le théorème 6.2) Soit \(\{\mathbf{w}^{(1)},\ldots,\mathbf{w}^{(m)}\}\) une base de \(W\), \(m = \dim(W)\). Comme \(W\) est un sous-espace de \(V\), \(\{\mathbf{w}^{(1)},\ldots,\mathbf{w}^{(m)}\}\) est un ensemble linéairement indépendant de \(V\). D’après le corollaire 6.3, on peut construire une base \(\{\mathbf{w}^{(1)},\ldots,\mathbf{w}^{(m)}, \mathbf{u}^{(1)},\ldots, \mathbf{u}^{(k)}\}\) de \(V\). Alors \(m + k = n.\) Puisque \(k \geq 0\), on obtient \(m \leq n\).

Si \(m < n\), \(W\) est évidemment un sous-espace propre de \(V\) puisque \(\mathbf{u}^{(1)},\ldots, \mathbf{u}^{(k)} \not in W\). Si \(m = n\), alors toute base de \(W\) est aussi une base pour \(V\), d’après le corollaire 6.2, ce qui implique que \(W = V\). Donc, \(m < n\) si et seulement si \(W\) est un sous-espace propre de \(V\).

Exemple 6.17 Supposons que l’on nous demande de construire une base de \(\mathbb{K}^{3}\) contenant \(U = \left\{\begin{bmatrix} 1\\1 \\0 \end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 1\\0 \\-1 \end{bmatrix}\right\}\). Puisque \(\dim(\mathbb{R}^3) = 3\) et que \(U\) contient déjà deux vecteurs linéairement indépendants, nous n’avons qu’à trouver un vecteur de \(\mathbb{R}^3\) qui n’est pas dans l’espace engendré par \(U\). La question demeure: comment trouver un tel vecteur lorsqu’il y a une infinité de vecteurs dans \(\mathbb{R}^3\) parmi lesquels choisir?

Observons que puisque \(\mathbb{R}^3\) est engendré par \(\left\{\begin{bmatrix} 1\\0\\0\end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0\\1\\0\end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0\\0\\1\end{bmatrix}\right\}\), il doit y avoir au moins un vecteur dans l’ensemble qui ne peut être écrit en tant que combinaison linéaire de vecteurs de \(U\), sinon, \(\operatorname{Vect}\left ({U} \right) = \mathbb{R}^3\), ce qui est impossible car il n’y a que deux vecteurs dans \(U\).

Autrement dit, nous essayons de résoudre \(\mathbf{A}\mathbf{x} = \mathbf{b}\), où les colonnes de \(\mathbf{A}\) sont les the vecteurs de \(U\) et \(\mathbf{x} = \begin{bmatrix} x_1\\x_2\end{bmatrix}\), pour chaque \(\mathbf{b}\) dans \(\left\{\begin{bmatrix} 1\\0\\0\end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0\\1\\0\end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0\\0\\1\end{bmatrix}\right\}\). Puisque les trois systèmes ont la même matrice de coefficients, nous pouvons simplement réduire la matrice augmentée: \[\left[ \begin{array}{rr|rrr} 1 & 1 & 1 & 0 & 0\\ 1 & 0 & 0 & 1 & 0\\ 0 & -1 & 0 & 0 & 1 \end{array} \right].\] En échangeant les lignes 1 et 2, on obtient \[\left[ \begin{array}{rr|rrr} 1 & 0 & 0 & 1 & 0\\ 1 & 1 & 1 & 0 & 0\\ 0 & -1 & 0 & 0 & 1 \end{array} \right].\] L’application de \(L_2 \leftarrow L_2 - L_1\) donne \[\left[ \begin{array}{rr|rrr} 1 & 0 & 0 & 1 & 0\\ 0 & 1 & 1 & -1 & 0\\ 0 & -1 & 0 & 0 & 1 \end{array} \right].\] Finalement, l’application de \(L_3 \leftarrow L_3 + L_2\) donne \[\left[ \begin{array}{rr|rrr} 1 & 0 & 0 & 1 & 0\\ 0 & 1 & 1 & -1 & 0\\ 0 & 0 & 1 & -1 & 1 \end{array} \right].\] Dans la ligne du bas, on voit qu’aucun des trois vecteurs ne peut s’écrire en tant que combinaison linéaire de vecteurs de \(U\), ce qui veut dire que l’on peut ajouter n’importe lequel des trois à \(U\). L’ensemble obtenu a trois vecteurs linéairement indépendants et l’espace qu’il engendre est automatiquement \(\mathbb{R}^3\), selon le corollaire 6.2.

Exercices

  1. Construire une base de \(P_2(\mathbb{R})\) contenant \(\{x-1, x^2-x + 2\}\).

  2. Quelle est la dimension maximale d’un sous-espace propre de \(\mathbb{R}^{2 \times 3}\)?

Solutions

  1. Nous n’avons besoin que d’un vecteur de \(P_2(\mathbb{R})\) qui ne puisse s’écrire en tant que combinaison linéaire de \(x-1\) et \(x^2-x+2.\) Le polynôme constant \(1\) fait l’affaire.

  2. \(5.\)