8.7 Espace dual

8.7.1 Fonctionnelle linéaire

Soit \((V,\mathbb{K})\) un espace vectoriel. Une application linéaire \(f:V \rightarrow \mathbb{K}\) est appelé une fonctionnelle linéaire (ou une forme linéaire). Une fonctionnelle linéaire est donc un cas spécial d’application linéaire.

Exemple 8.12 Soit \(P\) l’espace vectoriel des polynômes en \(x\) à coefficients dans un corps \(\mathbb{K}.\) Soit \(a \in \mathbb{K}.\) Alors \(f_a:P \rightarrow \mathbb{K}\) donnée par \(f_a(q) = q(a)\) est une fonctionnelle linéaire. En effet, pour \(s, t \in P\) et \(\lambda \in \mathbb{K},\) on calcule \[\begin{align*} f_a(\lambda s + t) & = (\lambda s + t)(a) \\ & = \lambda s(a) + t(a) \\ & = \lambda f_a(s) + f_a(t), \end{align*}\] ce qui implique que \(f_a\) est une application linéaire.

Remarques.

  1. La fonctionnelle linéaire \(f_a\) de l’exemple 8.12 porte le nom de fonctionnelle d’évaluation; elle est utilisée pour l’interpolation de Lagrange.

  2. Les fonctionnelles linéaires sont utilisées dans les représentations hilbertiennes de systèmes de mécanique quantique.

8.7.2 Espace dual algébrique

Pour un espace vectoriel \(V\), il est possible de vérifier que l’ensemble de toutes les fonctionnelles linéaires forment un espace vectoriel lorsque l’addition de vecteurs est donné par l’addition de fonctions et la multiplication par un scalaire est donnée par la multiplication d’une fonction par un scalaire. Cet espace vectoriel est appelé l’espace dual algébrique de \(V\) et est dénoté par \(V^*.\)

Exemple 8.13 Soit \(V = \left\{ \begin{bmatrix} a \\ -2a\end{bmatrix} \,:\,a \in \mathbb{R}\right\}.\) On obtient une description de \(V^*\) de manière suivante.

Si \(f:V \rightarrow \mathbb{R}\) est une fonctionnelle linéaire alors, par linéarité de \(f,\) \[f\left( \begin{bmatrix} a \\ -2a \end{bmatrix}\right)= a f\left( \begin{bmatrix} 1 \\ -2 \end{bmatrix}\right)\] pour tout \(a \in \mathbb{R}.\) Donc, \(f\) est complètement déterminé par le vecteur qu’elle associe à \(\left( \begin{bmatrix} 1 \\ -2 \end{bmatrix}\right).\) On peut alors voir que \(V^*\) consiste de toutes les functions \(f:V \rightarrow \mathbb{R}\) définies par \[f\left( \begin{bmatrix} a \\ -2a \end{bmatrix}\right)= \gamma a,\]\(\gamma \in \mathbb{R}.\)

Proposition 8.3 Soient \(V\) un espace vectoriel de dimension \(n\) sur \(\mathbb{K}\) et \(\{ \mathbf{u}^{(1)},\ldots, \mathbf{u}^{(n)} \}\) une base de \(V\). Alors, \(\left \{ f^{(1)},\ldots, f^{(n)} \right \}\) est une base de \(V^*\)\[f^{(j)} \left(\sum_{i = 1} \alpha_i \mathbf{u}^{(i)} \right) = \alpha_j\] pour chaque \(j \in \{1,\ldots,n\}\) et \(\alpha_1,\ldots,\alpha_n \in \mathbb{K}.\)

Corollaire 8.1 Si \(V\) est un espace vectoriel de dimension finie, alors \(V\) et \(V^*\) sont isomorphes.

Exercices

  1. Soit \(V\) un sous-espace de \(P_2(\mathbb{R})\) tel que pour tout \(p\in V,\) \(p(0) = 0.\) Donnez une description de \(V^*.\)

  2. Démontrez la proposition 8.3.

Solutions

  1. On observe que \(V = \{ax^2 + bx \,:\,a,b \in \mathbb{R}\}.\) Alors, \(V^*\) consiste de toutes les fonctions \(f:V \rightarrow\mathbb{R}\) données par \[f(ax^2 + bx) = \delta a + \gamma b,\]\(\delta, \gamma \in \mathbb{R}.\)

  2. On commence par montrer que l’espace vectoriel engendré par \(\left \{ f^{(1)},\ldots, f^{(n)} \right \}\) est \(V^*.\) Soit \(f \in V^*.\) Alors pour tous \(\alpha_1,\ldots,\alpha_n \in \mathbb{K},\) \[\begin{align*} f \left(\sum_{i = 1} \alpha_i \mathbf{u}^{(i)} \right) = \alpha_j & = \sum_{i = 1} \alpha_i f(\mathbf{u}^{(i)}) \\ & = \sum_{j = 1} f(\mathbf{u}^{(j)}) \alpha_j \\ & = \sum_{j = 1} f(\mathbf{u}^{(j)}) f^{(j)} \left(\sum_{i = 1} \alpha_i \mathbf{u}^{(i)} \right). \end{align*}\] Il s’ensuit que \(f\) est une combinaison linéaire de \(f^{(1)},\ldots, f^{(n)},\) appartenant ainsi à l’espace vectoriel engendré par \(\left \{ f^{(1)},\ldots, f^{(n)} \right \}.\)

    Montrons maintenant que \(\left \{ f^{(1)},\ldots, f^{(n)} \right \}\) est un ensemble linéairement indépendant. Supposons que \(\lambda_1,\ldots,\lambda_n \in \mathbb{K}\) satisfont à \[\sum_{j = 1}^n \lambda_j f^{(j)} (\mathbf{x}) = 0,\] pour tout \(\mathbf{x} \in \mathbb{K}.\) On doit avoir \(\lambda_i = 0\) pour tout \(i \in \{1,\ldots,n\}.\)

    En effect, puisque \[\sum_{j = 1}^n \lambda_j f^{(j)} (\mathbf{x}) = 0\] pour tout \(\mathbf{x} \in \mathbb{K},\) il s’ensuit que \[\sum_{j = 1}^n \lambda_j f^{(j)} (\mathbf{u}^{(i)}) = 0\] pour \(i = 1,\ldots,n.\) Cependant, pour tout \(i \in \{1,\ldots,n\}\) \[\sum_{j = 1}^n \lambda_j f^{(j)} (\mathbf{u}^{(i)}) = \lambda_i.\] Ainsi, \(\lambda_i = 0\) pour tout \(i \in \{1,\ldots,n\},\) tel que désiré.