6.8 Base et dimension

Soit \((V,\mathbb{K})\) un espace vectoriel. Une base de \(V\) est un ensemble minimal de vecteurs de \(V\) qui engendre \(V\).

De façon équivalente, une base de \(V\) est un ensemble de vecteurs qui

  • est linéairement indépendant, et
  • engendre \(V\).

En conséquence, on vérifie si un ensemble de vecteurs forme une base de \(V\) en montrant qu’il est linéairement indépendant et qu’il engendre \(V\). Si au moins une conditions n’est pas satisfaite, alors l’ensemble n’est pas une base de \(V\).

Exemple 6.15 Dans \(\mathbb{R}^3\), chaque vecteur prend la forme \(\begin{bmatrix} a\\b\\c\end{bmatrix}\), où \(a,b,c \in \mathbb{R}.\) Notons que \(\mathbb{R}^3\) est engendré par l’ensemble \(\left\{\begin{bmatrix} 1\\0\\0\end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0\\1\\0\end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0\\0\\1\end{bmatrix}\right\}\) puisque \[a\begin{bmatrix} 1\\0\\0\end{bmatrix}+ b\begin{bmatrix} 0\\1\\0\end{bmatrix}+ c\begin{bmatrix} 0\\0\\1\end{bmatrix}= \begin{bmatrix} a\\b\\c\end{bmatrix}.\] Il est évident que \[a\begin{bmatrix} 1\\0\\0\end{bmatrix}+ b\begin{bmatrix} 0\\1\\0\end{bmatrix}+ c\begin{bmatrix} 0\\0\\1\end{bmatrix}= \begin{bmatrix} 0\\0\\0\end{bmatrix}\] si et seulement si \(a=b=c=0\), d’où l’ensemble est linéairement indépendant et qui engendre \(\mathbb{R}^3\). C’est donc une base de \(\mathbb{R}^3\). (Notons que l’ensemble \(\left\{\begin{bmatrix} 1\\0\\0\end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0\\1\\0 \end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0\\0\\1 \end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 1\\1\\1 \end{bmatrix} \right\}\) n’est pas une base de \(\mathbb{R}^3\), cependant, même s’il engendre \(\mathbb{R}^3\) puisqu’il n’est pas linéairement indépendant.)

Exemple 6.16 L’ensemble \(\{x^2, x, 1\}\) est une base de \(P_2(\mathbb{R}).\)

Observons que \(\mathbb{R}^3\) possède une infinité de vecteurs mais que nous pouvons décrire tous ces vecteurs à l’aide de seulement trois d’entre eux. On peut s’imaginer une base comme la manière la plus économe de décrire un espace vectoriel, qui facilitent en plus plusieurs types de calculs.

Nous sommes maintenant en mesure d’énoncer le résultat principal de cette section.

Théorème 6.1 Soit \((V, \mathbb{K})\) un espace vectoriel. Soit \(B = \left\{\mathbf{u}^{(1)},\ldots, \mathbf{u}^{(n)} \right\}\) une base de \(V\). Si \(U \subseteq V\) est un ensemble linéairement indépendant, alors \(\lvert U \rvert \leq n\).

Démonstration. Supposons qu’il existe un ensemble linéairement indépendant avec \(m > n\) vecteurs. Parmi tous les ensembles linéairement indépendants de cardinalité \(m\), on en choisi un, que l’on nomme \(U\), tel que \(\lvert U \cap B \rvert\) soit aussi grand que possible.

Sans perte de généralité, on peut supposer que \(U = \left\{\mathbf{u}^{(1)},\ldots, \mathbf{u}^{(k)}, \mathbf{v}^{(1)},\ldots, \mathbf{v}^{(r)} \right\}\)\(k + r = m\) et \(k \leq n\).

Notons que l’on doit avoir \(k < n\). Sinon, \(B \subset U\) implique que \(\mathbf{v}^i \in \operatorname{Vect}\left ({B} \right)\) (puisque \(B\) est une base de \(V\)) pour \(i = 1,\ldots, r.\) D’après la proposition 6.2, \(U\) n’est pas un ensemble linéairement indépendant, ce qui contredit l’hypothèse.

Puisque \(U\) est minimal, il existe \(i \in \{k+1,\ldots,n\}\) tel que \(\mathbf{u}^{(i)} \notin \operatorname{Vect}\left ({U \backslash \{\mathbf{v}^{(1)}\}} \right)\). Sinon, \(\operatorname{Vect}\left ({U \backslash \{\mathbf{v}^{(1)}\}} \right) = V,\) ce qui implique que \(U\) n’est pas minimal.

Nous montrons que \(U' = (U \backslash \{\mathbf{v}^{(1)}\}) \cup \{\mathbf{u}^{(i)}\}\) est un ensemble linéairement indépendant.

Supposons, au contraire, qu’il existe \(\lambda_1,\ldots,\lambda_k, \alpha_1, \ldots, \alpha_r \in \mathbb{K}\), non tous nuls tels que \[\sum_{j=1}^k \lambda_j \mathbf{u}^{(j)} + \alpha_1 \mathbf{u}^{(i)} + \sum_{j=2}^r \alpha_j \mathbf{v}^{(j)} = \mathbf{0}.\] Notons que \(\alpha_1 \neq 0\) puisque \(U \backslash \{ \mathbf{u}^{(i)} \}\) est linéairement indépendant. Ainsi, \[\mathbf{u}^{(i)} = \sum_{j=1}^k \alpha_1^{-1}(-\lambda_j) \mathbf{u}^{(j)} + \sum_{j=2}^r \alpha_1^{-1}(-\alpha_j) \mathbf{v}^{(j)},\] et \(\mathbf{u}^{(i)} \), ce qui est une contradiction. Donc, \(U'\) est linéairement indépendant. Mais la cardinalité de \(U'\) est \(m\) et \(U'\) possède un élément supplémentaire en commun avec \(B\), ce qui contredit notre choix de \(U\).

Ce résultat à un important corollaire.

Corollaire 6.1 Soit \(V\) un espace vectoriel de dimension finie. Alors chaque base de \(V\) possède le même nombre de vecteurs.

Démonstration. Puisque \(V\) n’est pas de dimension infinie, il existe une base \(B\) avec un nombre fini d’éléments. Soit \(B'\) une base arbitraire de \(V\). D’après le théorème 6.1, \(\lvert B' \rvert \leq \lvert B \rvert\). Donc \(B'\) doit aussi être un ensemble fini. On applique le théorème 6.1 une seconde fois afin d’obtenir \(\lvert B \rvert \leq \lvert B' \rvert\), d’où \(\lvert B' \rvert = \lvert B \rvert\), tel que désiré.

Le nombre de vecteurs que contient toute base de \(V\) est la dimension de \(V\), dénotée par \(\dim(V)\). Par exemple, la dimension de \(\mathbb{R}^n\) est \(n\), et la dimension de \(P_2(\mathbb{R})\) est \(3\). Un espace vectoriel qui ne contient que le vecteur nul est de dimension \(0\).

Exercices

  1. Soit \(\mathbb{K}\) un corps. Produisez une base de \(\mathbb{K}^4\).

  2. Produisez une base de \(\mathbb{R}^{2\times 2}\).

  3. Quel est la dimension de l’espace des polynômes en \(x\) à coefficients réels et de degré au plus \(3\)?

Solutions

  1. \(\left \{ \begin{bmatrix} 1 \\ 0 \\ 0 \\ 0 \end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0 \\ 1 \\ 0 \\ 0 \end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0 \\ 0 \\ 1 \\ 0 \end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0 \\ 0 \\ 0 \\ 1 \end{bmatrix}\right \}.\)

  2. \(\left \{ \begin{bmatrix} 1 & 0 \\ 0 & 0 \end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0 & 1 \\ 0 & 0 \end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0 & 0 \\ 1 & 0 \end{bmatrix}, \begin{bmatrix} 0 & 0 \\ 0 & 1 \end{bmatrix}\right \}.\)

  3. La dimension est \(4\) puisque \(\{1,x,x^2, x^3\}\) est une base de l’ensemble en question.