11.2 Pseudo-inverse

Dans la section précédente, nous avons vu que si la projection orthogonale de u dans Col(A) est donnée par Aw pour un quelconque wRn, alors ATu=ATAw. Si A est de plein rang, alors w=(ATA)1ATu. Sinon, ATA n’est pas inversible et il n’y a pas d’expression simple permettant le calcul de w. Existe-t-il une notion plus générale de l’inverse d’une matrice que l’on pourrait utiliser?

Pour répondre à cette question, il est important de préciser ce que l’on entend par l’inverse d’une matrice. Considérons pour l’instant l’inverse d’une matrice inversible carré A. On peut considérer A comme une fonction associant y à x via Ax, tout comme A1 est une fonction associant y à x via A1y.

Dans le cas général, où A n’est pas nécessairement inversible, il peut y avoir plusieurs x tels que y=Ax. Dans le meilleur des cas, on peut espérer qu’il existe une matrice G associant y à un x quelconque via y=Ax. Autrement dit, on cherche une matrice Gy telle que AGy=y, ou, de façon équivalente, AGAx=y=Ax. Comme le choix de x est arbitraire, on doit avoir AGA=A. Une telle matrice G porte le nom de pseudo-inverse de A, dénoté par A.

Une telle matrice existe toujours, mais elle n’est pas nécessairement unique. On donnera une construction dans un chapitre ultérieur.

Exemple 11.2 Soit A=[2100]. Alors G=[251152] et G=[251152] sont toutes deux des pseudo-inverses de A.

En effet, AGA=[2100][251152][2100]=[2100][45252515]=[2100]=A et AGA=[2100][251152][2100]=[2100][45252515]=[2100]=A

 

Mentionnons ici que dans certaines applications, il est commun d’exiger que G satisfasse aux conditions de Penrose :

  1. AGA=A
  2. GAG=A
  3. (AG)T=AG
  4. (GA)T=GA

Dans ce cas, G est appelé le pseudo-inverse de Moore-Penrose et, contrairement à une matrice pseudo-inverse générique, est unique pour une matrice A donnée. On le dénote par A+.

11.2.1 Solutions de Ax=b

L’existence d’un pseudo-inverse a une conséquence importante pour les systèmes d’équations linéaires.

Théorème 11.1 Soient ARm×n et bCol(A). Alors xRn est une solution du système Ax=b si et seulement si x=Ab+(InAA)u pour un uRn particulier.

Autrement dit, le théorème 11.1 donne une formule qui permet d’obtenir toutes les solutions du système Ax=b. Les détails de la démonstration sont laissés en exercice.

Exemple 11.3 Soit A=[2100] et b=[30]. Nous avons vu à l’exemple 11.2 que G=[251152] est un pseudo-inverse de A.

Ainsi, toutes les solutions de Ax=b sont données par x=[6535]+[15252545][u1u2] pour tous u1,u2R.

 

Remarque. Une discussion plus détaillée au sujet des pseudo-inverses et des systèmes d’équations linéaires se retrouve dans James (1978).

Exercices

  1. Soit A=[321011]. Vérifiez que G=[291919491959] est le pseudo-inverse de Moore-Penrose de A.

  2. Démontrez le théorème 11.1.

Solutions

  1. Il suffit d’effectuer les calculs nécessaires pour vérifier les conditions :

    1. AGA=A
    2. GAG=A
    3. (AG)T=AG
    4. (GA)T=GA
  2. On montre d’abord que x=Ab+(InA1A)u est une solution de Ax=b pour tout uRn. Puisque bCol(A), il existe yRn tel que b=Ay. Soit uRn. Alors, Ax=A(AAy+(IAA)u)=AAAy+AuAAAu)=Ay+AuAu=b. En particulier, notons que x=Ab est une solution.

    Réciproquement, notons que puisque x=Ab est une solution particulière de Ax=b, il suffit de démontrer que yKer(A) si et seulement si y=(IAA)u pour un uRn particulier.

    Si y=(IAA)u, où uRn, alors Ay=A(IAA)u=AuAAAu=AuAu=0m.

    Si yKer(A), alors Ay=0m. Ainsi, y=Iny0n=InyA0m=InyAAy=(InAA)y, ce qui implique que y est de la forme (InAA)u pour un uRn particulier.

Bibliographie

James, M. 1978. « The Generalised Inverse ». Mathematical Gazette 62. Amsterdam, The Netherlands, The Netherlands: The Mathematical Association:109‑14. https://doi.org/10.2307/3617665.